C’était une nuit fraîche d’hiver. Comme chaque année, la grande fête foraine de New York avait élu domicile aux abords de la ville, attirant comme chaque année des millions de visiteurs. New York en hiver offrait un grand nombre d’attraction. Il y avait la patinoire, les balades en calèche dans le parc glacé, car étrangement il y avait toujours de la neige, soit un peu, soit de trop. 2010 était un cru modéré, un parfait hiver aux températures franchement négatives. Mais cela n’empêchait pas les gens de fêtaient. Il y avait cette atmosphère de fête dans l’air, partout où l’on allait. Un étrange aparté alors que le monde connaissait des périodes noires. C’était une contradiction que Leigh trouvait fascinante. Ces humains trouvaient la force de fêter alors que dans leur cœur il portait du chagrin, de la douleur, des problèmes. Il les enviait par instant. Vivre simplement, loin des plans du monde, vivant dans l’ignorance de tous ces mystères magiques. Une vie où il aurait d’autres soucis, plus simples, plus futiles. Il s’imaginait s’énerver contre une amende, ou encore parce qu’il devait un loyer ou simplement parce que sa petite amie lui aurait encore tapé sur les nerfs. Mais cette envie de vie normale s’effaçait toujours rapidement. Leigh ne se voyait pas vieillir sans avoir accompli quelque chose, d’ailleurs il ne comptait pas vieillir. Il y travaillait. L’on voyait là, une parallèle avec ce fameux sorcier Voldemort qui avait divisé son âme, Leigh avait choisi pire. Il aurait pu faire un bon sujet de livre pour Rowling d’ailleurs. Lui s’était volontairement laissé mutiler l’âme, rien que pour récupérer celle d’un démon. Qu’est-ce que cela lui apportait ? Il ne le dirait à personne. Ce genre de pratique était immoral, même pour le sorcier le moins scrupuleux du monde. Certaines choses ne devaient pas se faire, car les conséquences d’un tel acte étaient terribles. Une vie pour une vie, le retour de Leigh parmi les vivants avait eu de lourdes conséquences…l’équilibre devait rester intact, la mort n’aimait pas qu’on se joue d’elle…mais Leigh était joueur et ainsi échapper à la mort, jouer avec elle et d’elle, était un sport, un challenge personnel qui était pure folie.

N’ayant rien à faire que de se promener en attendant que quelque chose se passe, le chemin de Leigh se termina dans cette fête foraine new yorkaise. Etrange de mettre les pieds dans un endroit qui vous rappelle l’enfance. Dans l’odeur d’abord. L’odeur des gaufres, crêpes, l’odeur du grillé, l’odeur du sucré, et du vin chaud. Dans le visuel. Des manèges que tout le monde connait, des jeux qu’on a connu enfant, comme la pêche aux canards, le lancer de boule sur canette, les carabines, les tombolas…la Grand-Roue. En silence il s’avançait parmi la masse avant de s’arrêter vers le plus ancien de ses souvenirs. Un principe extrêmement simple. L’on tourne, tourne, des chevaux en bois, une musique d’un autre temps. Le sorcier se surprenait à sourire. Cela ne lui arrivait que très rarement depuis que son être était plongé dans un tourment permanent. Un silence se fit dans sa tête, la musique se fit lointaine, le reste de l’assistance sembla au ralenti quand son regard se posa sur une magnifique jeune femme qui elle aussi regardait le manège. Il ne put s’empêcher d’avoir chaud au cœur. D’un pas silencieux, il s’avança vers cette source de surprise. Il se plaça derrière elle sans s’inviter dans son espace personnel et dit d’une voix douce, chose rare pour lui.

« Tu as toujours aimé le cheval en face de l’orgue de barbarie »